A ce jour, il me reste 93 452 euros sur mon compte en banque.
Un cas de censure dans la science
Le 04/07/2006 - 15:56

Etonnant et passionnant bouquin. Il date de 1994, donc le dénouement de l’histoire narrée a probablement évolué depuis, mais le fond reste d’actualité. Peut-être que les chercheurs qui tomberaient par hasard sur ce site (ou Procrastin, si tu passes par là à temps) pourraient commenter ?

L’histoire : un chercheur de l’INSERM découvre et met en évidence d’exceptionnelles propriétés de l’eau, appelées le principe des hautes dilutions. Ce chercheur (Benveniste) constate qu’une dose d’eau contenant un produit réactif est encore efficace même après 20, 30 voire 100 dilutions. Il ne sait pas expliquer ce résultat, mais tente de publier et de diffuser cette nouvelle.

Il est raillé, rejeté, désavoué par l’ensemble de la communauté scientifique qui le fait passer pour un excentrique, un hérétique (paradoxe science-religion mis en évidence dans le livre) et lui coupe les vivres et les ponts.

L’auteur est journaliste et a enquêté sur le milieu scientifique de l’époque, avec le code disciplinaire qui y règne, évoque “la subjectivité inhérente à la recherche” (étonnant non ?) et qualifie de censure (terme fort) la répression intellectuelle et morale qui a suivi la découverte de Benvéniste.

Qui croire, sur la thèse scientifique : aucune idée. Mais la description d’une mafia des sciences est finalement assez étrange et déroutante : le but inavoué des chercheurs n’est pas l’avancée de l’humanité mais celle de leur petite personne, de leur confort et de leur aura.

[Vous allez me dire : évidemment, ce sont des humains avant tout. Evidemment, hein.]

22 commentaires

  1. 1
    Saoul Fifre nous dit :

    Sur le fond du problème, je ne crois pas qu’on en soit à amener des preuves scientifiques pour prouver l’homéopathie. La science en est à ses balbutiements, elle est trop superficielle. Par contre la censure est réelle, l’a priori négatif pour tout ce qui est bizarre, systématique aussi, et la structure pyramidale de la recherche fait que seul le mandarin a le droit de trouver quelque chose.

    En gros, le même système est valable partout, et à tous les niveaux : l’élève (le subalterne) doit se renseigner sur ce que veut entendre le prof (le chef), et le lui dire q:^). Evidemment, la société n’évoluera pas vite, avec des principes aussi révolutionnaires…

  2. 2
    proc' nous dit :

    Hum ! En effet David, je vais profiter que tu me tendes le micro pour faire une mise au point tant cette affaire fait de mal à la recherche et au milieu scientifique. Je me souviens avoir lu ce livre de Michel Schiff peu après sa parution. Il était d’ailleurs au programme du cours d’histoire des Sciences que suivait à l’époque. Ce livre est extrêmement partisan et monte en épingle une affaire qui n’en est pas vraiment une, une affaire qui n’aurait jamais du prendre l’ampleur qu’elle a eu. Ce n’est ni un lynchage d’un génie incompris ni la preuve du sectarisme des chercheurs établis !

    Pour faire simple, voilà un résumé de l’histoire de ce que les journalistes ont appelé “l’histoire de l’eau” (un nom vendeur, facile à retenir). Au cÅ“ur de l’affaire, il y a Jacques Benveniste (1935-2004) un scientifique de bon niveau, médecin travaillant à l’inserm et ayant dans son CV quelques publications importantes en immunologie. En juin 1988, il publie un article dans la plus importante revue scientifique, la revue britannique “Nature”. La carrière d’un chercheur se juge au nombre et à la qualité de ses publications. Avoir un papier publié dans Nature est un plus indiscutable. C’est pourquoi, quand vous êtes un chercheur ambitieux et que vous pensez tenir un scoop, une découverte importante, vous vous empressez de rédiger un article présentant vos résultats et vous le soumettez au comité éditorial de la revue. Compte tenu de son prestige, la revue Nature reçoit plusieurs centaines d’articles par semaine ! Elle ne publie qu’une dizaine d’entre eux. Souvent les plus “vendeurs” auprès des médias. Ce fut le cas du papier de Benveniste.

    Publié au cÅ“ur de la tempête médiatique, le livre dont tu parles a surfé sur la vague. Il tente faire passer Benveniste pour un martyre trop en avance sur son temps et lynché par ses collègues. Pourtant dès la publication de l’article, les chercheurs se sont sincèrement passionner pour ces nouveaux résultats, et on tenté de les REPRODUIRE dans leur labo. Sans jamais y arriver. Or la reproductibilité des résultats est un pré-requis indispensable à l’acceptation d’un travail. A l’inverse sa NON-REPRODUCTIBILITE est un signe inquiétant. Jamais les fabuleux résultats de Benveniste n’ont pu être reproduit, ni par lui ni par d’autres. Benveniste lui même a renoncé à arriver à les reproduire, reconnaissant par là la fraude scientifique. Ils sont donc nuls et non avenus !!! La seule conclusion possible est alors que cet article n’est pas crédible et doit être retiré. Ce que fit d’ailleurs la revue nature.

    Ce n’est pas la première fois que ce genre de choses se produisent et les cas de fraudes scientifiques sont légions. Le plus souvent elles sont traitées correctement par la communauté scientifique. Sans secret ni tabou : l’article est retiré, le chercheur est prié de changer de comportement (si la fraude est minime) ou de démissionner. Ces fraudes sont la conséquence de multiples facteurs : les fraudeurs ne sont pas tous des mégalos. Ce sont surtout des hommes et des femmes soumis à une extraordinaire pression pour obtenir des résultats et des publications quitte à enjoliver un peu la réalité (et c’est déjà une fraude). Sans ses publications, pas de poste pour un jeune chercheur, pas de crédit de fonctionnement pour un labo.

    Je suis absolument en désaccord toi et avec Saoul-fifre quand vous annoncez que la censure est réelle. Je ne crois pas qu’un résultat expérimental sérieux (fait dans des situations contrôlées et donnant des résultats répétables) n’est jamais été refusé par la communauté scientifique. Il passera peut-être inaperçu et mettra peut être du temps à s’imposer. Mais ne donnera pas lieu à un lynchage. Bien sur, il pourra y avoir des discutions souvent vives (par journaux interposés ou dans le cadre de colloque de spécialistes). Et c’est même tout à fait souhaitable. La science avance par l’échange et le débat public. Les publications sont ouvertes, les protocoles décrits afin de pouvoir refaire les expérimentations. Les scientifiques ne travaillent jamais dans le secret de leur laboratoire (si populaire au cinéma). Un résultat aussi brillant soit-il mais non publié n’existe tout simplement pas !

    Dans le cas de l’affaire Benveniste, le soufflé est très vite retombé dans la communauté scientifique : “pas de résultats ? pas de fait ! Point à la ligne”. Le bruit autour de cette affaire vient des journalistes qui ont pris parti. En oubliant aussi de mentionner les liens financiers très étroits qui unissait Benveniste et les laboratoires Boiron, grand groupe pharmaceutique français producteur de médicaments homéoptahiques !!! Et si finalement, cette fraude n’était qu’une histoire de gros sous ?

    Pour finir mon long commentaire un peu enervé, je reviens sur la fin de ton billet, david. C’est un mythe populaire (une image d’Epinale) de penser que les scientifiques sont rationnels et que la science progresse rationnellement. Plus aucun philosophe des Sciences ne défend cette position depuis longtemps. Les scientifiques agissent très rarement de manière rationnelle. Et pas seulement dans leur vie privée ou amoureuse (ou quand ils perdent la boule et correspondent alors aux pires clichés du cinéma hollywoodien). C’est aussi vrai dans leur recherche. Ca a même donné lieu à des reflexions très intéressantes et tout à fait pertinentes de la part du philosophe des sciences autrichien Paul Feyerabend dont je te recommande la lecture. Avec sa théorie anarchique de la connaissance, il rejette l’idée de méthodologie scientifique universelle. Pour lui, les pratiques scientifiques ne sont en rien supérieures à d’autres formes de connaissances, et à bien des égards elle ne sont pas plus rationnelles que le vaudou par exemple.

  3. 3
    Tant-Bourrin nous dit :

    Il y a sûrement un côté mafia, certes, comme dans pas mal de professions. Mais en l’occurrence, le fait que personne n’ait pu reproduire l’expérience de Benveniste (dont les travaux étaient co-financés par Boiron (le vendeur de susucre au détail)) le plombait quand même sérieusement, non ?

  4. 4
    proc' nous dit :

    Absolument tant-bourrin ! Parfait résumé de mon long baratin. Personne n’a pu reproduire l’expérience, à commencer par Benveniste lui-même !!!

    La recherche scientifique internationale a beau être un milieu très codifié, souvent très dur (et pleins de coups tordus), le terme de mafia est beaucoup trop fort : il est inconcevable que personne n’ait pris parti pour “la mémoire de l’eau”. Si les résultats de Benveniste avaient eu un semblant de crédibilité, il se serait trouvé des scientifiques pour les défendre, au moins en partie. Ce n’est absolument pas le cas.

    A lire Byalpel ou Saoul-fifre, “la mémoire de l’eau” a été victime d’une vaste conjuration internationale. Les chefs donnant les ordres et disant quoi penser aux “chercheurs subalternes”. C’est quand même donner beaucoup trop de pouvoir à quelques pseudo-décideurs influents et fantasmés. La recherche scientifique n’est pas structurée comme une entreprise ou comme l’armée. Elle est par nature décentralisée. Ce n’est pas une structure pyramidale et la chaîne hiérarchique y est très courte, depuis le chercheur de base jusqu’au directeur d’institut ou le ministre de la recherche. De plus, elle est internationale : un chercheur allemand n’a pas de compte à rendre à un chercheur indien ou australien. Comment dans ces conditions, imaginer une condamnation unanime du travail de Benveniste ? Soit le travail de Benveniste est frauduleux, soit on a affaire à une conspiration internationale ! Evitons quand même de tomber dans le conspirationnisme…

  5. 5
    proc' nous dit :

    J’en remets une couche parce que la question me passionne et me touche de près.

    S’il me prenait l’envie de vouloir publier un travail prouvant que telle molécule fabriquée par un grand groupe pharmaceutique (qui se trouve aussi être un de mes plus gros financeurs!!) est un remède contre le cancer, je peux essayer de publier mes résultats. Que se passe-t-il si aucun de ces résultats n’est reproductibles ? Si personne depuis 20 ans n’arrive à refaire mes expériences ? Je passe pour un menteur ! Et c’est bien normal. Mais je ne me démonte pas, j’insiste ! Je vais peut-être arriver à trouver un journaliste pour écrire un livre pour me défendre. Il va évoquer la bassesse des patrons de labo jaloux, plus intéressés par leur carrière que par les véritables progrès scientifiques… Ou il va carrément crier au complot, à la conspiration… et ce livre va bien se vendre parce que les gens adorent qu’on leur parle de conspiration (il n’y a qu’a voir ceux publiés après les attentats du 11 septembre 2001).

    Non, Benveniste n’est ni un martyre, ni un hérétique. C’est juste un petit fraudeur parmi des centaines d’autres mais qui a eu plus de succès : il est arrivé à vendre son histoire aux médias.

  6. 6
    Byalpel nous dit :

    oh l’ot’, comment tu nous défonces ! j’aurais dit “proc est un gros salaud” que t’aurais pas réagi plus vivement :-)

    Ce que je dis là, c’est ce que j’ai lu du livre. Si je t’ai laissé le micro, c’est justement pour laisser un chercheur, un vrai :-) , nous donner une version du milieu.

    Que Benveniste soit un fraudeur ou pas, je n’en sais rien. Schiff essaie de justifier la non-reproductibilité par les autres chercheurs (voir le livre) et qu’il prenne parti de manière aussi prononcée en mettant sa crédibilité en jeu m’a fait réfléchir.

    Effectivement, je ne connaissais pas tous les tenants et aboutissants du sujet (Benveniste proche du labo pharmaceutique notamment), tu nous éclaires, nous pauvres communs des mortels.

    Pour la mafia, évidemment le terme est dur. Mais fallait te faire réagir aussi :)
    Disons que je pense quand même qu’une partie du discours de Schiff est réaliste. Il y a quand même des chercheurs à l’égo surdimensionné ou qui jouent aux petits chefs, comme dans toutes les “boîtes”. Je me rappelle également des chercheurs dans ma fac qui bloquaient tel ou tel chercheur de peur de perdre leur fonction / crédibilité / honneurs / avantages… Evidemment, comme partout hein.

    Enfin, je me raccroche à ta référence à Feyerabend. C’est étonnant pour les néophytes comme nous (même avec un bagage scientifique), mais c’est en même temps rassurant. Je note, dans ma stack de livres pour les vacances.

    Bon, et surtout, restons positifs : pour ma part, ça me fait bien plaisir de te voir participer autant, avec tant de fougue :)

  7. 7
    Badibuh nous dit :

    Mouais, mouais, mouais…la “mémoire de l’eau” pour légitimer l’homéopathie, c’est franchement moyen et je pense qu’on peut dire avec certitude que ce mec était un charlatan. Une expérience non reproductible ne peut être crédible, ou en tout cas ne peut pas être utilisé pour soigner des gens. (je ne suis pas contre l’homéopathie, mais il faut savoir la laisser à sa place)

    Cela n’empêche pas pour autant que la science est parfois trop hermétique à certaines découvertes ou que des nobels eux mêmes pondent des théories alambiquées et soient pris aux sérieux grâce à leur prix nobel, justement.

    Mais là quand même, c’est vraiment gros.

  8. 8
    proc' nous dit :

    hahaha, non mais attends david, je n’ai absolument pas mal pris ton billet ou ses commentaires. Je suis latin : je réagis vigoureusement mais amicalement !

    Cette histoire et ses insinuations “tous pourris” ont fait beaucoup de mal à la Science. Et ce genre d’attaques revient régulièremen sur le tapis. D’où ma réaction vive, et parfois disproportionnée (j’aurai mieux fait de me relire). Mais je t’aime quand même :)

  9. 9
    Saoul Fifre nous dit :

    Je ne me suis pas du tout exprimé sur le fond de cette “mémoire de l’eau”. Je rejoins assez Proc ou Badibuh là dessus. J’ai simplement essayé de parler des a-prioris des scientifiques (attitude pas du tout scientifique) et proc rencherit avec moi en parlant de leur irrationnalité possible et en citant Paul Feyerabend.

    J’aurais aimé que Proc, qui est dans le milieu, soit moins vague dans ses exemples. Pour moi, il est évident qu’un jeune chercheur qui souhaite travailler sur un sujet polémique comme l’homéopathie, met sa carrière en danger. On ne refait sûrement pas toutes les recherches plusieurs fois, mais si les sujets sont sensibles, elles seront refaites par les collègues 10 fois s’il le faut, et avec le soutien enthousiaste de toute la communauté…

    Comme l’a très bien reconnu Proc, le scientifique est un homme comme les autres, avec ses tabous, ses blocages mentaux, ses tentations de malhonnèteté. Il est dangereux de canoniser qui que ce soit, Benveniste le premier. Mais souligner ses liens financiers avec Boiron n’amène pas grand chose au dossier, vu que la recherche indépendante, même publique, se fait super rare

  10. 10
    proc' nous dit :

    Si Byalpel n’y voit pas d’inconvénient, je veux bien continuer un peu le débat avec Saoul-fifre. Mais la recherche est un monde beaucoup trop vaste pour en faire le tour en quelques lignes. Tu me demandes d’être plus précis dans mes exemples ? Je vais essayer de répondre à ce que je crois être tes questions.

    Si tu veux parler de la structure des labos et de du poids la hiérarchie, je peux te répondre à partir de ce que j’en connais personnellement. Ca fait huit ans que je travaille en recherche. J’ai eu l’occasion de travailler au sein de labos Français, Anglais, Belge et Australien. J’ai commencé comme thésard avec une directrice de thèse qui m’a toujours laissé une très grande liberté concernant mes axes de recherches. Plus tard, jeunes chercheurs à l’université de Bristol, j’ai eu à gérer mes propres financements publics (attribués par le gouvernement Anglais). Je travaille dans un labo. C’est à dire un groupe de chercheurs sous la responsabilité d’un professeur. Il dirige le groupe, décide des réunions et participe au recrutement des étudiants et des nouveaux collaborateurs. Surtout, il fédère et anime la recherche autour de questions cohérentes (la thématique du laboratoire).

    Mais ça ne veut en aucun cas dire qu’il nous impose ses vues. Ce n’est pas un “mandarin” et je suis libre de mes recherches (dans la mesure où mes financements me le permette). La seule contrainte qui m’est imposé : publier. Je peux explorer les questions que je veux à condition qu’à la fin de l’année, ça débouche sur des travaux publiables. Prenons un exemple concret : certains de mes travaux récents aboutissent à des résultats qui réinterprète complètement certaines des théories de mon boss et qui contredisent au moins deux de ces publications. Je ne travaille pas en secret. Tout le monde dans le labo est au courant de l’article que je viens de soumettre sur le sujet. Y compris le boss. A aucun moment, il n’a exercé de pression et ne m’a empêché de publier ce travail.

    Revenons à une question plus générale : le choix du sujet de recherche. Il est évident que certaines questions (exploratoires) sont plus dangereuses que d’autres. Surtout pour un jeune chercheur qui doit publier le plus rapidement possible pour démarrer une carrière. Il faut être rentable (publier) très rapidement. Si on se lance sur un sujet largement inexploré et qu’il y a tout à faire et à mettre au point, alors le délai entre le début des travaux et la sortie des premières publications est parfois plus court que la durée d’un contrat de recherche moyen (2-3 ans). C’est pourquoi les chercheurs s’opposent si fortement aux CDD de recherche que le gouvernement tente de mettre en place : de tel CDD auraient pour effet de concentrer les efforts sur les sujets immédiatement rentables et de défavoriser les thématiques plus ambitieuses et moins balisées. Au contraire nous plaidons pour une recherche publique forte, laissant la possibilité de travaux sur de longues durées.

    Concernant tes questions sur l’homéopathie, je ne veux pas entrer dans le débat très polémique (et passionnel, c’est à dire bien peu rationnel). Principalement parce que ce n’est absolument pas mon domaine et donc que mon avis sur la question est largement aussi valable que le tien. Je ne peux que m’appuyer sur les travaux publiés par les médecins et les chercheurs. J’ai alors l’impression qu’il faut rester extrêmement prudent avant de crier à la censure ! C’est injuste de dire que personne ne s’y intéresse. Il y a une quantité non négligeable de publications sur le sujet. Mais la majorité de ces travaux concluent qu’on ne peut pas distinguer l’effet de ses médicaments homéopathiques d’un effet placebo. Un peu comme pour l’histoire de l’eau, les chercheurs seraient près à s’y intéresser en masse. Mais il semble bien qu’il n’y ait tout simplement rien à y trouver. On ne peut pas non plus leur demander d’insister tous ensemble sur un sujet visiblement si peu fondé. Ou alors il faudrait revoir le système d’évaluation de leurs travaux basé sur leur nombre de publications…

    Bien sûr, les partisans de l’homéopathie sautent sur l’occasion pour crier à la censure. “Vous voyez, on ne trouve pas d’effet ! C’est la preuve qu’on nous ment, que les chercheurs sont soumis à la pression de leurs pairs, etc.” Mais c’est à mon avis un faux procès. Sur la base des travaux publiés, l’efficacité des médicaments homéopathiques est plus que douteuse. Pourtant les travaux continuent, j’en veux pour preuve la très impressionnante étude publiée l’été dernier dans la meilleure revue médicale “the Lancet”. Et si on venait à trouver (publier) un effet significatif, je suis sûr que les chercheurs seraient les premiers intéressés.

    Pour contrebalancer un peu cette vision très positive, je finirais en disant que tout n’est pas idéal en recherche. Il y a comme partout des salauds autoritaires et sans pudeur qui tyrannisent et exploitent leurs collaborateur ou étudiants. Il y a aussi des gens malhonnêtes qui truquent leurs données ou qui volent les idées des autres. Si ces questions t’intéressent et que tu veux lire un travail bien documenté sur la question, je te recommande l’excellent ouvrage de William Broad et Nicholas Wade “la souris truquée, enquête sur la fraude scientifique”. Il est très bien écrit et parfaitement lisible. Il décortique au travers de nombreux exemple les limites du système scientifique et les nombreuses raisons qui poussent les chercheurs à tricher, à mentir et à modifier leurs résultats.

    Mais encore une fois, les pires travers de la recherche et la pression des mandarins (aussi détestable soit-elle) n’ont rien à voir avec une prétendue censure planétaire contre la mémoire de l’eau ou l’homéopathie.

    Enfin, pour répondre plus spécifiquement à ton dernier point, je crois qu’il est quand même essentiel de souligner les liens financiers entre les chercheurs et les grands groupes industriels (certaines revues scientifiques, dont Nature, commencent à s’y mettre et obligent les chercheurs à signaler leurs intérêts financiers dans leurs études). Serais-tu convaincu par une étude concluant à l’innocuité d’un insecticide sur les abeilles qui aurait été financées par le groupe pharmaceutique qui vend ce même insecticide ? En soi, ce n’est pas une preuve fraude, bien sûr (encore heureux). Mais je trouve essentiel de signaler ce lien financier. Dans l’affaire Benveniste, il ne prouve pas la fraude mais il l’éclaire d’un jour nouveau. Tu regrettes (et moi aussi) que la recherche publique se fasse rare. Est-ce une raison pour se résigner à ce que les grands groupes industriels puissent dicter leurs résultats aux chercheurs (comme cela s’est déjà vu à de nombreuses reprises) ? Non bien sûr. Mais nous aurons, je l’espère, l’occasion de causer de tout ça autour d’une bonne bouteille plutôt que par blog interposé.

  11. 11
    Byalpel nous dit :

    C’est excellent, j’ai l’impression d’avoir eu une “guest star” à mon colloque :)

    Merci mille fois pour ces éclaircissements, proc. Il est évident que tu es plus versé sur le sujet de par ton implication quotidienne. Ma vision de néophyte, d’externe, et probablement de beaucoup d’autres est en effet probablement naïve ou pleine de préjugés. Remarque, la tienne est peut-être aussi biaisée…

    Un long débat effectivement qui se déroulerait mieux autour d’une bouteille… Je peux m’incruster ou tu n’invitais que le Saouf ? Au passage, tu reviens quand dans notre beau pays, je croyais qu’ils t’avaient filé une place en finale ici… ?

    Badibuh >> Merci de ton commentaire, noyé aujourd’hui par ce futur Nobel de proc :)

  12. 12
    Yves nous dit :

    La conclusion de premier commentaire de Proc’ est parfaite.

  13. 13
    Saoul Fifre nous dit :

    Merci Proc pour cette longue réponse si bien argumentée. Sur le dernier point, une loi obligeant les chercheurs à signaler la source de leurs revenus serait bienvenue ! Mais les politiques, quand ils subissent les pressions des lobbies, savent bien d’où elles viennent ? Et ils y cèdent.

    On a qu’à nous faire voter directement pour les groupes de pressions économiques, ça sera moins hypocrite q:-D !

  14. 14
    Yael nous dit :

    Super interessant, la note et les coms. Bravo.

  15. 15
    proc' nous dit :

    byalpel > absolument, ma vision aussi est largement partisane. Non, bien sûr la bonne bouteille, les bonnes bouteilles, ne sont pas réservées qu’à saoulfifre ! Je serais ravi de les partager avec toi aussi. Concernant mon retour en France, je ne peux pas quitter mon labo anglais comme ça. J’ai été recruté en France en mai, mais je ne commencerai officieusement que début octobre. L’université me laisse généreusement du temps pour boucler mes travaux ici, partir en colloque et passer le relai à mon successeur. J’ai tellement de taf (sans compter les cours à préparer pour la rentrée) que je ne pourrais sans doute pas prendre de vacances cet été. Ca va faire une éternité que je n’en ai pas pris… Mais la vie est belle, et nous sommes tous frères !

  16. 16
    Yael nous dit :

    Byby on t’en supplie- retire-nous cette musique emmerdante qu’on puisse se concentrer un peu zut deja que c’est pas facile quand ca parle de science!

  17. 17
    Byalpel nous dit :

    Yael >> Ben c’est l’hymne national israélien !!! Ils ont un peu changé le rythme, les paroles et la mélodie, mais si tu écoutes bien, tu te lèveras au gardavou illico. MA MUSIQUE N’EST PAS EMMERDANTE OK ? :)
    De manière plus pragmatique, il suffit de cliquer sur l’article du jour pour qu’elle disparaisse hein.

    Les autres mecs >> On va se faire une bonne bouteille tous ensemble et on verra bien celui qui tient le mieux la science éthylique.

    Note de passage : je viens de parler avec mon concierge portugais. Il est pour le Portugal. Demain matin, je lui caillasse (barbarisme utilisé fréquemment par les journaleux) sa porte :)

  18. 18
    Saoul Fifre nous dit :

    Point N° 2 : Ha ha c’est tout vu q:^D

  19. 19
    proc' nous dit :

    pourquoi une seule ???

  20. 20
    Byalpel nous dit :

    Parce que Saoulfifre va nous battre sur la durée :)

  21. 21
    Seb nous dit :

    Voir le site d’Henry Broch:

    http://www.unice.fr/zetetique/articles/HB_memoire_eau.html

    Je me souviens d’avoir lu le bouquin quand j’étais ado et ca me semblait assez carré.

    Seb

  22. 22
    Byalpel nous dit :

    Merci de l’info Seb.
    Je mets l’article dans ma liste de liens de la semaine !